En bouclant les 179 km et 11 000 mètres de dénivelé positif du célèbre sentier corse en seulement 44 heures et 43 minutes, et en totale autonomie, Sébastien Raichon s’offre un nouveau record qui impressionne la communauté des traileurs mais aussi tous les randonneurs qui ont déjà réalisé le GR20.
Parti à l’aube du 21 octobre, le Vauclusien a bravé la pluie, la fatigue et les éléments pour établir un chrono de référence. Si on ne voit pas forcément un record de montre tombé, c’est pourtant une prouesse que Seb a réalisé : tout seul, avec son sac à dos et sa nourriture sans aucune assistance extérieure. Je vous propose de revenir sur ce record du GR20 à travers une petit interview ! Merci pour le temps passé et pour ton partage d’expérience à GR20 Infos !
QUESTION 1 Je te connais à travers le raid mais aussi en suivant tes ultra treks en course ou en solo mais ce n’est pas forcément le cas du grand public. Est ce que tu peux rapidement nous rappeler qui tu es et ce que tu as déjà réalisé ces 5 dernières années ?
Je suis un passionné de sports outdoor depuis 25 ans après un passé d’athlète sprinter. Depuis une vingtaine d’années, je pratique le raid aventure à haut niveau , En 2020, je me suis lancé dans des projets solo à pied au long cours avec ou sans dossard. J’ai notamment le record de la traversée des Alpes par le Gr5 en 150h. J’ai gagné deux fois le Tor des Glaciers 450 km.
Je suis le 1er finisher de la Chartreuse terminorum (Barkley française). En 2024 j’ai participé pour la première fois à la Barkley et j’ai réalisé 4 tours mais il m’a manqué un peu de temps pour être finisher. Enfin je sors tout juste du plus long trail organisé jusque là, la Swisspeaks 700 km que j’ai terminé à la seconde place.
Son parcours sur Strava : voir ici
QUESTION 2 Est ce que tu avais déjà fait le GR20 ? Qu’est-ce qui t’a motivé à tenter ce record du GR20 sans assistance ?
Je suis amoureux de la Corse depuis bien longtemps. J’avais arpenté le GR20 à plusieurs reprises mais jamais dans son intégralité. Je suis venu en mars et en mai mais il y avait beaucoup de neige à chaque fois et je n’ai pas pu reconnaître l’intégralité du parcours. J’aime marcher courir jour et nuit non stop et forcément je voulais réaliser cette tentative de la même façon que de nombreux randonneurs chaque année.
Simplement seul avec tout sur moi. En octobre tout est fermé donc il était nécessaire d’être en autonomie. Je suis un loup solitaire par moment et j’aime cette solitude en montagne dans des endroits sublimes comme le GR20.
QUESTION 3 Quel est ton plus long moment de solitude ou de doute ? Le moment le plus difficile ?
Le grand moment de doute a été a 10km de l’arrivée. J’étais dans un brouillard épais et je m’endormais un peu car cela faisait 40h que j’étais en route! J’ai fait demi tour sans m’en rendre compte et ceci durant plus de 4 km. A un moment le brouillard était si épais que je voyais au plus à 5m et je ne savais où aller.
J’ai sorti mon téléphone pour voir mon positionnement et j’ai rien compris, durant 2mn je me suis demandé comment j’avais pu faire si peu de km depuis Bavella en 2h30. J’étais revenu à coté du refuge Paliri. En repartant j’ai reconnu des endroits puis plus tard vu le croisement où j’ai tourné du mauvais coté. Je perd 2H15 au moins sur cette toute fin de Gr.
Le moment le plus difficile a été assurément la nuit entière passée sous la pluie et dans le brouillard entre Bocca alle porte et Vizzavona. C’était très glissant, les sentiers se sont transformés en rivière et j’allais parfois moins vite en descente qu’en montée. C’était très compliqué au niveau de la variante Alpine après Petra Piana.
Le brouillard était trop dense et je perdais le balisage. J’ai fait le deuil du moins de 40h à ce moment là. En même temps j’en garde un grand souvenir car c’était une ambiance de raid aventure et un défi à relever. Après Vizzavona j’ai pu relancer un peu mais toujours de nuit car à cette saison elle dure plus de 12h.
QUESTION 4 : Tu as fait une préparation spécifique ou tes autres aventures de l’année ont suffit à te préparer ?
Non pas vraiment car je sortais de la Swisspeaks 700km début septembre. J’ai juste maintenu du dénivelé une fois par semaine en septembre octobre et quand j’ai vu que les sensations étaient bonnes début octobre, j’ai décidé de le tenter en Automne car mon projet 2024, c’était de le faire début juin mais il y avait trop de neige cette année.
QUESTION 5 Sans assistance, ça semble fou. Comment tu as pu gérer ton alimentation tout le long car les refuges étaient fermés n’est ce pas ?
Sans assistance ce n’est pas l’alimentation le soucis principale car en ce qui me concerne je mange peu. J’avais juste 1kg500 de nourriture et je n’ai même pas tout mangé! J’ai porté 500g pour rien. En automne tu n’as pas le choix, tout est fermé. La question ne se pose pas du coup!
Le plus difficile sans assistance, c’est de suivre la trace, choisir le bon passage. On perd un temps fou seul et encore plus dans les conditions que j’ai eu et le sac est forcément plus lourd avec l’ensemble du matériel de sécurité.
QUESTION 6 Est ce que tu as eu déjà des passages dans la neige et le froid ou pas encore ?
Non pas de neige et il ne faisait pas si froid en mouvement!
QUESTION 7 Tu as croisé d’autres personnes sur ce GR20 ? Ils ont du te prendre pour un fou non ?
Sur la partie nord, j’ai croisé moins de 5 personnes par jour et c’était très sympa d’échanger un peu avec eux. Parfois ils me disaient « tu fais une petite sortie trail » et quand je leur disais que je faisais le GR20 non stop, ils écarquillaient les yeux! Je repartais avec leur encouragements chaleureux et un follower de plus :).
J’en ai doublé un avec un sac de 25kgs, il faisait le gr20 comme moi en autonomie mais en prenant son temps lui. Je l’avais vu la veille avant mon départ lors de ma reconnaissance du cirque de la solitude et je l’ai doublé juste 10km plus loin 20h plus tard. Je suis admiratif des randonneurs qui portent si lourd. En même temps, c’est dangereux sur les passages engagés car cela déséquilibre beaucoup.
QUESTION 8 Quelles parties du GR20 t’ont le plus marqué, et pourquoi ?
Forcément le cirque de la solitude qui porte bien son nom. C’est un bref passage dans un endroit abrupt irréel. Je suis fan absolu du passage après la passerelle de Spasimata jusqu’au Bocca di Muvrella, c’est d’une pureté et beauté saisissante. Les couleurs sur les dalles sont incroyables. Et les couleurs d’Automne rouge orange jaune dans les forêts avant la variante de l’Incudine te font oublier la fatigue. Je ne regrette pas ce Gr20 à cette époque pour le coté seul et coloré.
QUESTION 9 Est ce qu’il y a eu des surprises ou des imprévus en chemin ? Si oui, comment tu as géré ?
J’avais choisi la meilleure fenêtre météo de la semaine sans pluie. Il y avait un risque de brouillard mais pas de pluie annoncée. Il faut croire que prévoir la météo dans les montagnes corses est compliqué. J’ai du m’adapter et me couvrir et ralentir fortement mais surtout pas renoncer ou m’arrêter.
QUESTION 10 En quoi cette expérience est-elle différente d’autres aventures ou records que tu as tenté ?
La différence est dans la technicité du terrain. Tu ne peux jamais dérouler et te reposer mentalement sinon tu y laisses une cheville ou tu chutes rapidement. L’avantage par contre c’est que tu n’as pas sommeil!
QUESTION 11 Quelques mots pour ceux qui veulent se lancer sur le GR20, des conseils ?
Il me parait important de ne pas se lancer sans savoir ce qui nous attend. Ce sentier est mythique mais extrèmement difficile. Beaucoup abandonne rapidement car ils sont surpris de la difficulté. D’autres se mettent en danger. Je conseille de faire le GR20 après avoir déjà randonné à minima dans des massifs très rocheux comme Belledonne, le Luberon par exemple.
Il faut avoir le pied montagnard car certains passages sont vertigineux. Je conseille égélement d’avoir tout le nécessaire mais de faire attention au poids du sac. Se ravitailler et dormir dans les refuges et bergeries est la bonne solution pour une première fois sur le GR20.
Merci à toi pour le temps que tu as passé à nous répondre. A ton tour de remercier qui tu le souhaite, tes partenaires, équipementiers ou proches qui ont pu t’aider à réaliser ce défi !
Je voudrais remercier dans un premier temps Altore, mon équipementier Corse qui fabrique toute sa gamme de vêtement de trail running à Porto Vecchio. Il y a d’ailleurs une très jolie boutique dans le centre ville. J’ai pu visiter leur atelier et rencontrer les couturières notamment. Altore me soutient depuis 2 ans dans mes aventures, leur démarche me plait et leurs innovations, leurs produits sont bluffants.
Et je voudrais remercier Natural Origins lifestyle qui me propose une alimentation sportive lègère, gouteuse et 100%naturel. J’aime m’entourer de partenaires qui ont une démarche écoresponsable et proche de la nature. Avec eux c’est parfait et ils me permettent de progresser!