Lambert Santelli, ultra-traileur corse âgé de 34 ans, a réalisé un exploit qui restera gravé dans les annales du trail. Le 26 juin 2021, il a établi un nouveau record sur le mythique GR20, en reliant Calenzana à Conca en seulement 30 heures et 25 minutes. Long de 180 km et affichant 13 800 m de dénivelé positif, ce parcours est considéré comme l’un des plus techniques d’Europe.
Peu de coureurs parviennent à le boucler en moins de trois jours. Le faire en un peu plus de 30 heures relève presque de l’impossible. Mais pas pour Lambert qui a placé la barre très haut ! Je vous propose de revenir sur cette folle journée de 2021 avec les temps de passages du coureur corse !
Quelques temps de passage de Lambert Santelli lors de son record
Revenons sur ses temps de passage, retrouvez ce temps marqué à jamais dans l’Histoire et sur son strava ici (la trace d’une vie) : https://www.strava.com/activities/5535108643 et sa trace GPX ici
| Point de passage | Km | Temps | Dénivelé positif cumulé |
| Ortu (refuge 1) | 10 | 1h33 | 1300 |
| Carrozzu (refuge 2) | 18 | 3h24 | 2000 |
| Ciuttulu (refuge 5) | 34 | 7h27 | 4000 |
| Lac de Nino | 51 | 9h46 | 4700 |
| Petra Piena (refuge 7) | 66,5 | 12h58 | 5600 |
| Vizzavone | 85 | 16h33 | 6500 |
| Col de Verde | 111 | 20h35 | 8000 |
| Usciolu (refuge 12) | 127 | 23h55 | 9100 |
| Bavella | 150 | 28h41 | 10500 |
| Conca | 160 | 30h28 | 12000 |
Lambert Santelli n’est pas un inconnu sur l’île de Beauté. Originaire d’un petit village de Balagne (Lavatoghju), il fréquente les sentiers corses depuis toujours. Pourtant à 20 ans, il n’était pas encore coureur, un peu en surpoids, il a décidé de se mettre au sport sur le tard ! Et notez aussi que Lambert a aussi un métier à coté (il tient un restaurant en famille). Le trail pour lui c’est une passion !
Son objectif de battre le record du GR20 trottait dans sa tête depuis 2014, année où il avait déjà parcouru une partie de ce tracé en compagnie de Guillaume Peretti, lui-même ancien détenteur de ce temps de référence. Quand le pacer devient le recordman….
Santelli avait préféré patienter plusieurs années pour se préparer méthodiquement et arriver au maximum de ses capacités, convaincu que seule une longue maturation lui permettrait de relever un tel défi.
La trace du record de Lambert sur Open Runner
Il faut dire que ce record, jusque-là, était la chasse gardée de géants de l’ultra-trail. François D’Haene, coureur de renommée mondiale, avait établi le précédent record en 31 h 06 en 2016. D’autres pointures comme Kilian Jornet ou Xavier Thévenard avaient tenté l’aventure, plafonnant tout de même sous la barre des 33 heures. À chaque fois, l’extrême technicité du GR20 – pierriers, chemins rocailleux et passage d’arêtes – s’ajoutait à la fatigue pour freiner les meilleures jambes du monde.
En faire moins de 31 heures paraissait déjà hors norme ; descendre sous les 30 heures semblait encore plus fou
Ce qui est intéressant de constater quand on analyse les traces GPS sur un fond IGN, c’est que ça ne correspond pas avec précision à la trace actuelle du GR20, il y a quelques petites variations : il y a bien sur des variantes du GR20 qui sont empruntées, mais aussi des sentiers non connus du grand public, comme ici pour éviter la station d’Asco puis prendre le cirque de la solitude !
Monsieur Lambert se permet même de prendre des segments et des secondes places sur les premiers kilomètres, notamment sur l’étape 1 de Calenzana à Ortu ! Impressionnant !
Samedi soir, vers 21 h 25, Lambert Santelli franchissait pourtant la ligne d’arrivée à Conca. Sa famille, ses amis et un large public l’attendaient depuis plusieurs heures, suspendus à l’évolution de son chronomètre. Lorsqu’il est apparu, bien avant les prévisions les plus optimistes, la foule a exulté.
À la seconde où il a stoppé sa montre, le verdict est tombé : 30 heures et 25 minutes. Une performance qui éclipse de 41 minutes le temps de François D’Haene.
Au-delà de l’exploit sportif, ce qui impressionne dans cette réussite, c’est l’aspect collectif. Tout au long de son périple, Lambert Santelli a pu compter sur une équipe de “pacers” – des coureurs insulaires habitués aux difficultés du GR20 – ainsi que sur un staff médical et logistique.
Il avait un médecin, un kiné et même une podologue pour surveiller l’état de ses pieds, mis à rude épreuve par la roche corse. “Ce n’est pas la victoire d’un seul homme, c’est celle d’un groupe uni”, a-t-il déclaré, très ému, juste après l’arrivée, au milieu de quelques 300 personnes venues l’acclamer.
Il faut compter environ 40 pacers qui se sont relayés pour le conduire de Calenzana à Conca, ainsi que 25 à 30 personnes sur la logistique et ravitaillement !
Mon point de vue personnel ? Cette réussite symbolise la passion des Corses pour leur territoire et montre qu’on peut parfois surpasser des athlètes ultra-titrés si l’on met toutes les chances de son côté : connaissance du terrain, cohésion d’équipe, préparation ciblée et motivation sans faille.
Voir un « local » réussir là où tant d’excellents coureurs se sont heurtés à la montagne corse est à la fois émouvant et représentatif du lien fort qui unit ces athlètes à leur île. Lambert Santelli reconnaît ne pas avoir “autant de talent” que les plus grands noms de l’ultra-trail, mais il disposait d’un atout inestimable : le soutien d’une communauté entière, et une connaissance intime de chaque tronçon du GR20.
Les 30 heures et 25 minutes qui résonnent désormais comme une nouvelle barrière chronométrique en sont la plus belle illustration. À n’en pas douter, d’autres traileurs tenteront de s’y attaquer ; mais pour l’instant, c’est bel et bien Lambert Santelli qui est entré dans la légende du GR20, chez lui, en Corse.
Extrait du film sur son record
Une autre interview intéressante sur Lambert, de Guillaume sur Ultra talk
Lambert Santelli : du record sur le GR20 à la conquête de la Diagonale des Fous !